L’analyse des mouvements oculaires (ou oculométrie) tend à se développer pour de nombreux usages, mais cette technique reste encore onéreuse, d’une part en raison du coût des matériels nécessaires à sa mise en œuvre et, d’autre part, en raison du temps d’analyse et d’interprétation des données. Parmi ces usages, certains sont particulièrement emblématiques comme l’évaluation ergonomique de sites Web ou la mise en oeuvre de dispositifs d’interaction adaptés aux personnes handicapées.
En pratique, la palette des usages possibles de l’oculométrie est beaucoup plus vaste. Elle comprend par exemple l’étude des processus cognitifs, l’adaptation des IHM, l’enseignement assisté par ordinateur, les nouvelles techniques d’interaction, etc. Même s’ils ont des objectifs très différents, tous ces usages partagent les mêmes dispositifs techniques qui fournissent, comme signal brut, un échantillonnage des positions du regard issues des mouvements continus des yeux. Toute la difficulté est alors de calibrer, filtrer, analyser puis interpréter ce signal en fonction des objectifs visés. Deux de ces aspects sont communs à la plupart des études, il s’agit du filtrage et de la méthode d’analyse des résultats.
Un premier niveau de filtrage est en général constitué par l’identification des fixations, des saccades, et/ou des poursuites. Même si une littérature abondante est disponible à ce sujet depuis les travaux de Widdel (1984), on constate malheureusement que de nombreuses études se contentent d’utiliser les outils fournis par le constructeur de l’oculomètre, sans même s’intéresser aux algorithmes utilisés ni à leur paramétrage. En conséquence, de nombreuses études sont de fait ni comparables, ni reproductibles. Leur pertinence peut même parfois être remise en question.
Un second niveau d’analyse consiste à interpréter les données issues du filtrage dans le contexte d’un usage particulier. En général, il s’agit d’associer un processus cognitif à une ou un ensemble de fixations, saccades, ou poursuites. Il peut s’agir, par exemple, de définir le lien entre les fixations détectées et la perception d’une information par l’utilisateur. L’identification des zones d’intérêt (AOI) en est un exemple. La démarche est délicate, d’autant plus que dans le domaine de l’oculométrie la “vérité terrain” est souvent difficile à obtenir. En effet, une activité de perception peut être consciente ou inconsciente, et l’information perçue interprétée ou non, etc.
Pourtant l’oculométrie, qui permet non seulement d’explorer la perception (visuelle) que peut avoir un utilisateur d’une interface homme-machine (dont actuellement la majorité des informations sont proposées sous forme visuelle), mais aussi de proposer de nouvelles techniques d’interaction (basées sur l’activité visuelle de l’utilisateur), est un outil fondamental pour une meilleure compréhension et mise en oeuvre de l’interaction de l’homme avec son environnement.